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En raison du changement climatique, cette région viticole française embrasse de nouveaux sommets

by 99kqc



Romane et Le Pas de l’Aigle sont deux étendues montagneuses à l’aplomb de l’appellation Gigondas. Lorsqu’ils ont été achetés par Pierre Amadieu en 1950, ils n’étaient « certainement pas » des sites viticoles avantageux, déclare le petit-fils de Pierre, Jean-Marie Amadieu, vigneron à la cave familiale, Pierre Amadieu. A plus de 400 mètres d’altitude, ils comptent parmi les plus hauts vignobles de Gigondas, une appellation plus connue pour ses plaines alluviales au fond de la vallée ou ses collines de basse altitude près de son village éponyme.

Exposées au nord et à l’ombre d’un affleurement calcaire escarpé connu sous le nom de Dentelles de Montmirail, ces parcelles d’altitude et au climat frais étaient « un endroit difficile pour faire mûrir les raisins », explique-t-il. Pourtant, dans des millésimes spectaculaires, les vignobles de marnes bleues et de calcaire pouvaient produire des vins épicés et complexes.

Le changement climatique pose des problèmes complexes aux régions viticoles du monde entier, mais pour la cave Pierre Amadieu, il a également apporté des bienfaits inattendus. Avec la hausse des températures annuelles, les vignobles autrefois marginaux ont prospéré, mûrissant pleinement et à une vitesse sans précédent.

« Par rapport à quand j’étais jeune quand les vendanges ont commencé début octobre, nous récoltons un mois complet plus tôt ces jours-ci », explique Jean-Marie. C’est un résultat que Pierre Amadieu n’avait pas prévu, dit Jean-Marie, « mais nous sommes très reconnaissants envers notre grand-père », dit-il.

Généreux et concentrés mais raffinés par un microclimat unique plus frais, les vins de ces vignobles autrefois gênants sont désormais des références pour le domaine.

Vignobles escarpés du Rhône méridional
Vignobles escarpés du Rhône Sud / Photo Inter-Rhône Christope Grilhé

La nouvelle normalité

Historiquement, l’élévation n’était pas une caractéristique déterminante du Rhône méridional. Des vastes étendues des Côtes du Rhône aux appellations de cru comme Châteauneuf-du-Pape, Gigondas et Vacqueyras, une grande partie de la région est caractérisée par des plaines rocheuses où la lumière du soleil apporte richesse et alcool aux vins. Même les altitudes inférieures à 500 pieds au-dessus du niveau de la mer pourraient, en période plus fraîche, être considérées comme marginales pour la viticulture.

Le Domaine de l’Amauve est situé dans les basses terrasses de Séguret, une appellation pittoresque à flanc de coteau dans les contreforts des Dentelles de Montmirail, au nord de Gigondas. Les ancêtres de Christian Voeux, l’actuel propriétaire et vigneron du domaine, y cultivent des vins depuis la Révolution française. Mais jusqu’à il y a seulement 40 ans, explique-t-il, les vignes étaient rarement cultivées à plus de 492 pieds.

« Dans le passé, l’altitude n’était pas considérée comme un avantage pour les vignerons de Séguret », explique Voeux. « Les hautes altitudes retarderaient la maturité des raisins… Lorsque la maturité serait finalement atteinte fin septembre ou octobre, de fortes pluies arriveraient, affectant la qualité des raisins. »

Au cours des deux dernières décennies, cependant, le changement climatique a modifié ces normes. Dans tout le Rhône méridional, une augmentation annuelle régulière de la température a élargi les possibilités de la viticulture dans une diversité de terroirs de coteaux bordant la vallée. D’autre part, les raisins poussés à l’extrême maturité dans des cycles de maturation plus courts donnent des vins plus soufflés avec des niveaux d’acidité plus faibles.

La fraîcheur et la finesse qui équilibraient les vins opulents de la région sont compromises. Pendant ce temps, les vagues de chaleur et la sécheresse en été et les gelées printanières imprévisibles menacent la durabilité de la viticulture elle-même.

« Ça va être une adaptation [for winegrowers] ce qui nous permettra de continuer à faire des vins équilibrés », déclare Louis Barruol, président du syndicat des vignerons de Gigondas et propriétaire de l’historique Château de Saint Cosme. Les vignobles d’altitude sont « considérés comme l’une des nombreuses réponses au réchauffement climatique, c’est certain. Mais il n’y a pas de miracle. »

Vignobles du Rhône Sud
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Altitude, Microclimats et Vin

La bonne maturation des raisins dépend d’une panoplie de facteurs ; l’élévation n’en est qu’une. L’exposition et l’orientation d’un vignoble au soleil, son gradient, sa latitude, son flux d’air et son environnement contribuent tous à son microclimat.

À des altitudes plus élevées, cependant, les températures sont généralement plus basses. Les climats plus frais ralentissent le début du débourrement, le réveil printanier des vignes après la dormance hivernale, et donnent aux raisins une courbe plus longue et plus régulière jusqu’à la maturité. La température a également un impact sur la maturité – si et comment les raisins accumulent suffisamment de sucre pour atteindre les niveaux d’alcool souhaités, mais aussi sur la maturité de la saveur et la maturité phénolique des peaux et des tanins.

A plus de 2000 mètres d’altitude, le Mont Ventoux est le plus haut sommet du Rhône Sud. Bien que mieux connue comme l’ascension montagneuse du Tour de France, c’est aussi la patrie de l’appellation Ventoux. « Le climat est au cœur, l’identité même de ce qu’est le Ventoux », explique Frédéric Pesquié, propriétaire de troisième génération et vigneron du Château Pesquié. Le Ventoux est l’une des régions viticoles les plus fraîches du Rhône méridional.

Les vignes sont actuellement plantées à des altitudes comprises entre 820 et 1 640 pieds. Le climat de la région n’est cependant pas défini strictement par l’altitude, explique James King, vigneron et propriétaire du Château Unang, également dans le Ventoux. Au-delà de l’altitude, suggère-t-il, l’influence des courants d’air qui descendent des collines environnantes et du Mont Ventoux, et « la forêt environnante[e] un réservoir d’air plus frais qui glisse dans les vignes la nuit.

Ce microclimat nettement frais permet aux raisins d’obtenir « une pleine maturité aromatique et une pleine maturité phénolique mais nous avons toujours une bonne acidité et un bon équilibre dans les vins », explique Pesquié. Quelques centaines de mètres d’altitude « font une grande différence de terroir et de climat », explique Anaïs Vallot, propriétaire à la cinquième génération de son domaine familial, le Domaine Vallot.

« Le climat est au cœur, l’identité même de ce qu’est le Ventoux, »—Frédéric Pesquié, propriétaire et vigneron du Château Pesquié

Le domaine est l’un des plus historiques de Vinsobre, une appellation qui s’élève jusqu’aux contreforts des Alpes à environ 300 mètres d’altitude. « L’effet du Mistral [cold winds funneling through the valley from the north] est intensifiée à des altitudes plus élevées », dit-elle. « Et il y a une grande différence entre la maturité entre une partie [of the estate] et l’autre. »

Les terroirs d’altitude peuvent considérablement modifier l’expression des vins du Rhône méridional. « Nous sommes dans le Sud et avec des cépages comme le Grenache nous n’avons aucun problème de richesse, ou des vins avec beaucoup de chair et de gras », explique Stéphane Vedeau, propriétaire et vigneron de La Ferme du Mont, un domaine qui produit du vin à Châteauneuf- du-Pape, Gigondas et Vacqueyras.

Sa « quête personnelle » de fraîcheur l’a conduit à acquérir un domaine perché situé à 400 mètres d’altitude à Valréas. « A l’extrême limite de la frontière du Rhône Sud et à la plus haute altitude possible », précise-t-il, les vins de Valréas s’appréhendent mieux comme un prolongement du Rhône Nord plutôt que vers le sud.

Avec des sols calcaires et une exposition à l’est, ces microclimats frais sont une « découverte magique » rare. Au Clos Bellane, les vins blancs de Vedeau, en particulier la Marsanne, sont « un hommage à la minéralité », dit-il.

Avec des niveaux de pH aussi bas qu’en Champagne, donc des niveaux d’acidité plus élevés que ceux typiques de la région, « ils ont une fraîcheur et une précision contrairement à tout ce que vous attendez du Rhône méridional ». Le grenache et la syrah cultivés au Clos Bellane, explique Vedeau, suggèrent des notes de « truffe, poudre à canon, fève de cacao et olives noires », caractéristiques qui rappellent plus Hermitage que Châteauneuf-du-Pape.

Face au Mont Ventoux
Vue sur le Mont Ventoux / Photo Inter-Rhône Christope Grilhé

Défis de la haute altitude

Tous ces avantages s’accompagnent de défis distincts pour la viticulture d’altitude dans le Rhône méridional. Juste au nord du village de Gigondas, à une altitude de 850 à 900 pieds et ombragé par les Dentelles de Montmirail, le Château de Saint Cosme bénéficie d’un microclimat frais unique.

« Vous obtenez les températures fraîches qui descendent des montagnes sans les inconvénients d’être dans [too high of an] altitude », explique Barruol. Il y a des raisons, prévient-il, que « nos ancêtres ne sont pas allés en altitude… Vous voulez aller un peu plus loin, mais pas trop haut, car la nature pourrait avoir sa revanche », dit-il.

En effet, le gel printanier a été au premier plan des problèmes rencontrés par de nombreux viticulteurs en altitude.

Pour la prochaine décennie, Pierre Amadieu va planter de nouvelles vignes le long de terrasses construites à plus de 500 mètres d’altitude, les plus hautes vignes de Gigondas. Mais ailleurs dans le Rhône Sud, des protections environnementales strictes l’interdisent.

Les gelées de 2017 et 2021 ont eu des effets dévastateurs dans le sud du Rhône, notamment dans des régions comme le Ventoux. Avec un débourrement plus précoce, les vignes développent des pousses délicates qui sont attrapées mortes lorsqu’elles sont frappées par des épisodes soudains de gel printanier, explique Pesquié. L’expérience acquise à partir de 2017 a cependant aidé Pesquié et King à atténuer les dégâts en 2021 en retardant la taille, et donc le développement de la vigne, jusqu’à ce que la menace de gel passe, en particulier dans les zones de maturation précoce ou les gradients inférieurs où l’air frais stagne.

D’autres vignerons trouvent que leurs sites d’altitude sont mieux protégés du gel. La Maison Lavau, exploitation viticole familiale qui possède quatre domaines s’étendant sur le Rhône Sud dont le Domaine La Decelle à Valréas, en fait partie.

Selon Frédéric Lavau, qui dirige l’exploitation avec son frère Benoit, lors des récentes gelées printanières, ce sont « les vignes de fond de vallée », notamment Château Maucoil, leur domaine à Châteauneuf-du-Pape, qui ont subi « des pertes de 30 –100% », dit-il, alors que « tout ce qui montait allait bien ».

Regarder vers l’avenir

Alors que le changement climatique confronte la durabilité de la viticulture dans les plaines historiques du sud du Rhône, combien d’altitude reste-t-il à explorer ?

Pour la prochaine décennie, Pierre Amadieu va planter de nouvelles vignes le long de terrasses construites à plus de 500 mètres d’altitude, les plus hautes vignes de Gigondas. Mais ailleurs dans le Rhône méridional, des protections environnementales strictes interdisent la destruction de la plupart des terres forestières pour l’expansion du vignoble, explique Jean-Pierre. « Il ne reste plus grand-chose à acheter en haute altitude », dit-il.

King suggère que pour des résultats et une maturité constants, les vignobles plantés à plus de 1 640 pieds sur le Mont Ventoux peuvent être trop élevés. Pesquié, en revanche, voit encore de la place pour un mouvement ascendant. « Je serais surpris [if]en 10-15 ans, on ne voit pas les premières vignes plantées à [2,300–3,280 feet]peut-être même avant cela », dit-il.

Plus que simplement pousser les viticulteurs vers des altitudes plus élevées, il est probable que le changement climatique emmènera les viticulteurs dans une multitude de nouvelles directions au-delà de l’altitude : vers des latitudes nord et des expositions loin du soleil, vers des plantations de nouveaux cépages et des changements dans la gestion du vignoble.

« Il y a beaucoup de choses à changer », dit Pesquié, mais en explorant « tous les éléments que nous devons ajuster [and] luttant pour diminuer les effets du changement climatique », espérons-le, nous serons « dans de meilleures conditions pour les 20, 30, 40 prochaines années ».



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